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Speedons 2025 : 80 heures de manettes, d’humanité et 2,2 millions pour Médecins du Monde

Je ne sais pas si tu as déjà ressenti ce moment très précis où un événement vidéoludique devient plus grand que le jeu lui-même. Speedons, c’est exactement ça. C’est à la fois une dinguerie de performance, un cri de rage politique, et un immense câlin collectif.

Cette année encore, du 27 février au 2 mars 2025, Speedons a retourné Lyon et Twitch pour une cinquième édition record, qui a levé 2 231 146 € au profit de Médecins du Monde.

Et franchement, c’était aussi beau que fou.

Un record qui fait du bruit

2,2 millions d’euros, c’est pas juste un chiffre. C’est des dizaines de milliers de personnes qui balancent un peu d’espoir à coup de 5 €, 10 €, parfois plus. C’est des alertes de dons qui poppent à toute vitesse pendant qu’un mec termine Elden Ring en courant nu avec deux baguettes de pain (j’exagère à peine). C’est une salle de 3 000 personnes qui crie chaque fois qu’un run bat un record mondial.

L’an dernier, c’était déjà très fort : un peu plus de 2 millions récoltés. Là, ils ont fait mieux. Pas parce que les gens sont plus riches (spoiler : non), mais parce qu’ils y croient. Parce qu’ils veulent faire partie de cette bulle, de cette communauté qui tient debout malgré tout. Mister MV, à l’origine de l’événement, disait que « Speedons, c’est politique ». Et il a raison. C’est politique de donner. C’est politique de s’organiser pour faire le bien. C’est politique de dire « on lâche pas ».

Le speedrun : entre art brut et rituel sacré

Si t’as jamais regardé de speedrun, je t’invite à t’y mettre. Mais attention : c’est un coup à ne jamais regarder un jeu vidéo de la même façon. Ici, les jeux ne sont pas joués, ils sont disséqués, explosés, malmenés, retournés. Les runners passent des centaines d’heures à apprendre le moindre pixel de leur jeu fétiche, à repérer les glitches, à calculer les moindres timings. C’est chirurgical, presque musical.

Un des moments les plus oufs du week-end, c’était ce mec – je te jure – qui a terminé Super Mario 64 en 38 minutes… les yeux bandés. Tu lis bien. Les yeux bandés. Il jouait à l’oreille. Il comptait les sauts, il se calait sur le rythme des musiques, il écoutait les pas de Mario sur le sol pour se repérer. C’était tellement surréaliste que tout l’amphithéâtre s’est levé à la fin. Il y avait des gens en larmes. Moi y compris, j’avoue. C’était pas juste une performance, c’était une putain de démonstration de volonté et de précision.

Plus que du jeu : un événement habité

Ce que j’aime avec Speedons, c’est que ça ne se planque pas derrière la neutralité. C’est un événement engagé, militant même. Dès la première soirée, Mister MV invite Jean-François Corty, président de Médecins du Monde, sur scène. Il parle de la situation politique, de la montée de l’extrême-droite, des injustices dans le monde, des coupes budgétaires dans la santé. Et c’est cash. On est là, dans un événement Twitch, et on te parle de la réalité en face.

Et les messages passent aussi entre les jeux. Une transition où une streameuse pense à « ses adelphes trans ». Un speedrunner qui dédie sa run aux étudiants précaires. Un don signé « E. Borne » de 49,30 € – tu sens bien l’ironie. C’est pas juste du fun, c’est du fun conscient, du fun qui serre le poing. Et franchement, ça fait un bien fou.

Antoine Daniel – qu’on ne présente plus – disait dans un échange que c’est vital de rappeler aux gens qu’ils ne sont pas seuls. Et qu’un événement comme Speedons prouve à quel point la société civile peut faire ce que l’État ne fait plus. Tu sens que tout le monde en a gros. Mais qu’on choisit quand même de faire ensemble.

Une communauté à part

Ce que j’ai trouvé particulièrement touchant, c’est la manière dont la communauté speedrun est présentée. Beaucoup de runners se décrivent comme neuroatypiques, parfois autistes, souvent TDAH, mais surtout passionnés. Le speedrun, pour eux, c’est plus qu’un passe-temps. C’est un « intérêt spécifique », un truc qui leur permet d’exister à fond dans quelque chose, d’être bons, brillants, utiles.

Et ça se voit. Pas de moqueries, pas de condescendance. Juste du respect. Tout le monde est accueilli, valorisé. Les collectifs comme Fast and Fabulous, en mixité choisie, assurent des runs où chacun·e peut être qui iel est. Et sur Twitch, à 2h du mat, entre deux donations, tu vois défiler des messages de gens qui disent « merci, je me sens moins seul.e ». Ça, c’est Speedons.

Du rétro, du récent, du random

Côté programmation, c’était du grand n’importe quoi dans le bon sens. Du Castlevania NES au Tunic, en passant par Final Fantasy VII Remake, Donkey Kong Country, Elden Ring, Streets of Rage, Tears of the Kingdom, et même DuckTales Remastered. Une diversité folle, parfois improbable. Et toujours ce même feu sacré dans les yeux des runners.

Y a eu un mec qui a fini Celeste sans mourir. Un autre qui a terminé Portal à reculons. Et un type qui a fait un jeu d’horreur japonais jamais sorti chez nous, intégralement en japonais, en commentant en français, tout en expliquant les glitchs. Un génie.

Une claque de chaleur humaine

Speedons, c’est un marathon de 80 heures qui t’épuise et te recharge en même temps. C’est un événement où tu rigoles, tu chiales, tu t’indignes, tu danses, tu balances ton 10 € même si t’es en galère, parce que t’as envie d’y croire. C’est un espace où la bienveillance est reine, où les messages passent sans forcer.

Et au final, Médecins du Monde repart avec 2,2 millions d’euros, mais nous, on repart avec autre chose. Un truc plus précieux encore : le sentiment qu’on peut faire partie d’un monde meilleur. Même en slip sur son canapé, avec une pizza froide et Twitch sur la télé.

Konohate

Passionné par le Japon et la culture geek depuis le plus jeune âge, je partage mon univers.