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Comment lire un manga ? Le guide pour les débutants

Vous tenez enfin ce tome entre vos mains. La couverture claque, l’illustration est dynamique et l’odeur de l’encre sur le papier recyclé vous chatouille les narines. C’est le grand saut. Vous ouvrez le livre comme vous l’avez toujours fait, par la couverture de gauche, et là… c’est le drame. « Fin du volume » ? Une page d’avertissement vous hurle « STOP » avec un dessin humoristique ? Pas de panique. Vous n’êtes pas tombé sur un exemplaire défectueux, vous venez simplement de vous heurter à la première barrière culturelle du médium : le sens de lecture.

Le manga n’est pas une simple bande dessinée ; c’est un univers codifié, riche et parfois déroutant pour le néophyte qui a grandi avec Astérix ou Tintin. Avec près de 40 millions de tomes vendus en France l’année dernière, l’Hexagone est le deuxième pays consommateur de manga au monde après le Japon. Pourtant, beaucoup hésitent encore à s’y mettre par peur de ne pas « savoir faire ».

Lire un manga, c’est accepter de réapprendre à lire. C’est une gymnastique oculaire, une immersion dans une grammaire visuelle unique et l’adoption d’un rituel presque sacré. Que vous soyez là pour découvrir les classiques comme Dragon Ball ou les pépites modernes comme Dandadan, ce guide est votre passeport pour ne plus jamais vous sentir perdu devant une planche japonaise.

Le sens de lecture : inverser la vapeur pour mieux comprendre

C’est la base absolue, le point de départ non négociable. Si vous tentez de lire un manga comme une BD franco-belge, vous allez non seulement vous faire spoiler la fin de l’action avant le début, mais vous ne comprendrez strictement rien aux dialogues. Pourquoi ? Parce que le Japonais s’écrit traditionnellement en colonnes, de droite à gauche.

La règle d’or : de la droite vers la gauche

Oubliez vos réflexes d’occidental. Un manga se prend « à l’envers » par rapport à nos standards. La première page est ce que nous considérerions comme la dernière de couverture.

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  • Le parcours de l’œil : imaginez un « Z » inversé. Votre regard doit toujours commencer par la case située tout en haut à droite de la page.
  • La traversée horizontale : une fois dans cette case, vous lisez les bulles de droite à gauche, puis vous passez à la case située immédiatement à sa gauche.
  • La descente : une fois la ligne du haut terminée (arrivée à l’extrême gauche), votre regard descend à la ligne de cases du dessous, et repart… tout à droite.

Cela peut sembler laborieux expliqué par écrit, mais le cerveau humain est remarquablement plastique. Après une vingtaine de pages, le mouvement devient fluide, presque instinctif. C’est ce qu’on appelle le « flow ». Les mangakas (auteurs de mangas) sont des maîtres de la mise en scène et guident votre œil naturellement par le dessin. Si une épée pointe vers la gauche, votre œil suivra la lame vers la case suivante.

Pourquoi ne pas les avoir retournés ?

Excellente question. Dans les années 90, lors de l’arrivée de Dragon Ball en France, l’éditeur Glénat avait effectivement « miroirisé » les pages pour que cela se lise de gauche à droite. Le résultat ? Une catastrophe artistique.

  • Les droitiers devenaient gauchers : tous les personnages tenaient leur épée ou leur stylo de la main gauche.
  • Le cœur à droite : les personnages blessés à la poitrine semblaient avoir le cœur du mauvais côté.
  • Les kanjis inversés : les onomatopées et les enseignes de magasins devenaient illisibles.

Aujourd’hui, le respect du sens de lecture original est une marque de respect envers l’œuvre et l’artiste. C’est la garantie de consommer le produit tel qu’il a été imaginé.

Décrypter la grammaire visuelle : au-delà des mots

Savoir dans quel sens tourner les pages, c’est bien. Comprendre ce que vous regardez, c’est mieux. Le manga possède ses propres codes graphiques, une sorte de langage des signes dessiné qu’il faut assimiler pour saisir les subtilités de l’émotion. Contrairement à la BD occidentale qui mise beaucoup sur le texte, le manga mise sur l’expression visuelle de l’état d’esprit.

Voici les symboles récurrents que vous croiserez forcément :

  • La goutte de sueur géante : souvent placée sur la tempe, elle n’indique pas qu’il fait chaud, mais que le personnage est gêné, exaspéré ou stressé par une situation absurde.
  • Le saignement de nez : non, le héros n’est pas malade. C’est le code universel pour signifier l’excitation sexuelle ou un coup de foudre intense.
  • La croix sur le front ou la veine saillante : le symbole ultime de la colère contenue qui est sur le point d’exploser.
  • Les yeux blancs : quand un personnage perd ses pupilles, c’est souvent le signe d’un choc immense, d’une perte de conscience ou d’une rage incontrôlable.

Prendre le temps d’analyser ces petits détails enrichit considérablement la lecture. Un manga se lit souvent plus vite qu’un roman, mais il ne faut pas le « scanner ». Arrêtez-vous sur les décors. Contrairement aux idées reçues, les arrière-plans sont souvent d’une minutie folle (regardez les œuvres d’Inio Asano ou de Kentaro Miura) et racontent une histoire parallèle à celle des dialogues.

Le support de lecture : papier, numérique ou webtoon ?

L’époque où l’on devait attendre deux ans pour avoir la suite d’une série est révolue. Aujourd’hui, le « consommateur » de manga a l’embarras du choix, et chaque support change la manière d’appréhender l’œuvre.

Le « Tankōbon » (Tome relié) : l’expérience puriste

C’est le format standard, celui que vous trouvez en librairie. Petit, souple, avec une jaquette amovible (attention à ne pas la perdre, c’est sacré pour les collectionneurs !).

  • Le toucher : le papier manga est souvent un peu plus gris et rugueux que le papier glacé des comics. Il a une odeur particulière et absorbe l’encre d’une manière qui donne de la profondeur aux noirs et blancs.
  • La double page : c’est l’atout majeur du papier. Lorsque l’auteur dessine une scène épique qui s’étale sur deux pages (une « double spread »), l’effet waouh est garanti à l’ouverture du livre.
  • La collection : aligner les tranches colorées sur une étagère, c’est 50% du plaisir du fan de manga. C’est une décoration, un trophée.

Le numérique et le Simulpub

Avec des tablettes ou des liseuses de grande taille, lire du manga en numérique est devenu très confortable.

  • L’accessibilité : grâce à des applications légales comme Manga Plus ou Glénat Manga Max, vous pouvez lire les derniers chapitres en même temps que leur sortie au Japon. C’est idéal pour éviter les spoils sur les réseaux sociaux.
  • Le zoom : pratique pour admirer le trait de crayon ou lire des petits textes, mais attention, cela casse parfois le rythme de la lecture.

Le cas particulier du Webtoon

Attention, piège ! Si vous lisez une œuvre coréenne (Manhwa) sur votre téléphone (comme Solo Leveling ou Tower of God), les règles changent.

  • Le scroll vertical : ici, on ne tourne pas les pages. On fait défiler de haut en bas. Le sens de lecture horizontal n’existe plus. C’est un format pensé pour le smartphone, très cinématographique, avec beaucoup d’espaces blancs pour gérer le temps qui passe.

Créer son rituel : l’immersion totale

On ne lit pas un tome de Berserk comme on lit le journal. Pour apprécier pleinement l’intensité d’un manga, l’environnement joue un rôle clé. Les Japonais ont les « Manga Kissa » (cafés mangas), des endroits feutrés, calmes, où l’on peut s’isoler dans une bulle. Chez vous, tentez de reproduire cette bulle.

L’ambiance sonore : l’OST imaginaire

Beaucoup de lecteurs accompagnent leur lecture de musique. Mais attention à la fausse note. Lire une scène de combat apocalyptique avec du jazz en fond peut créer une dissonance cognitive.

  • Créez des playlists : pour un manga d’action (Shōnen), optez pour des musiques épiques ou du rock. Pour un manga d’horreur (comme les œuvres de Junji Ito), le silence absolu ou des nappes d’ambiance sombres (dark ambient) décupleront l’angoisse.
  • Les openings d’anime : si le manga a été adapté en anime, écouter la bande originale en lisant la version papier est le summum de l’immersion.

La posture du guerrier (ou du paresseux)

Le manga se lit vite, se dévore même. La position doit permettre cette frénésie.

  • Le « Manga Prone » : allongé sur le ventre, le livre au sol ou sur le lit, soutenu par les coudes. C’est la position classique de l’enfant, très immersive, mais attention aux douleurs cervicales après trois tomes.
  • Le trône de lecture : un bon fauteuil, une lumière chaude (jaune) dirigée sur les pages (évitez la lumière blanche d’hôpital qui fatigue les yeux sur le papier noir et blanc) et une boisson à portée de main. Le manga est un plaisir solitaire qui demande du confort.

Savoir quoi lire : ne pas se tromper de cible

Enfin, « savoir lire » un manga, c’est aussi savoir choisir celui qui vous correspond. Le terme « Manga » englobe tout, mais il existe des classifications démographiques (et non des genres) qui vous aiguilleront :

  • Shōnen : cible les jeunes garçons (adolescents). Action, amitié, dépassement de soi. (One Piece, Naruto).
  • Shōjo : cible les jeunes filles. Romance, drame, relations sociales, magie. (Fruits Basket, Nana).
  • Seinen : cible les jeunes hommes adultes. Thèmes plus matures, violence, politique, psychologie complexe. (Vinland Saga, Monster).
  • Josei : cible les femmes adultes. Romance réaliste, vie professionnelle, maternité.

Ne commencez pas par un Seinen ultra-complexe si vous voulez juste de la détente, et ne jugez pas le manga entier sur un Shōnen si vous cherchez de la profondeur politique. Il y a un manga pour chaque lecteur, il suffit de trouver le sien et d’accepter de lire… à l’envers !

Konohate

Passionné par le Japon et la culture geek depuis le plus jeune âge, je partage mon univers.