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Japscan : pourquoi le site a brutalement fermé ? (et les alternatives)

Vous aviez vos petites habitudes. Le café du matin, le smartphone en main, et ce clic machinal vers votre favori pour vérifier si le dernier chapitre de One Piece ou de Jujutsu Kaisen était en ligne. Et soudain, le néant. Une page qui charge dans le vide, un message d’erreur DNS, ou pire, une notification de votre fournisseur d’accès. C’est la douche froide qui a frappé la communauté otaku française cet été 2025 : Japscan, le colosse du scantrad, est tombé.

Ce n’est pas une simple maintenance technique ni un bug serveur passager. C’est la conclusion brutale d’un bras de fer juridique qui durait depuis des années entre les géants de l’édition et les sites de piratage. Pour des centaines de milliers de lecteurs, c’est un pan entier de leur routine culturelle qui s’effondre. Mais derrière ce blocage se cache une réalité économique complexe et, heureusement, un renouveau de l’offre légale qui pourrait bien vous surprendre.

Pourquoi cette fermeture intervient-elle maintenant ? Qui a tiré la prise ? Et surtout, vers quelles contrées numériques migrer pour continuer à assouvir votre soif de lecture sans passer par la case « hors-la-loi » ? On décrypte pour vous ce séisme dans le monde du manga.

@mang_actu

La fin pour le site Japscan en France ! #mangas #scanmanga

♬ Call of Silence – 澤野弘之

L’onde de choc : la chute du géant Japscan

Pour comprendre la panique qui s’est emparée des réseaux sociaux fin juillet 2025, il faut réaliser ce que représentait Japscan. Ce n’était pas juste un « site de pirate ». C’était une institution, une bibliothèque d’Alexandrie de la zone grise.

Avec un catalogue hallucinant de plus de 13 000 titres, la plateforme centralisait absolument tout. Du dernier shōnen à la mode aux obscurs seinens introuvables en librairie, en passant par la déferlante des webtoons et manhwas coréens, tout y était. Cette exhaustivité a propulsé le site au sommet, attirant chaque mois près de 700 000 visiteurs uniques rien que dans l’Hexagone. Pour beaucoup, Japscan était devenu le synonyme même de la lecture de manga en ligne, éclipsant parfois les méthodes traditionnelles.

Le site reposait sur le principe du « scantrad » (scan + traduction) : des équipes de passionnés récupéraient les chapitres japonais (les raws), les nettoyaient, les traduisaient et les mettaient en ligne, souvent quelques heures à peine après leur sortie au Japon. Une rapidité d’exécution qui a fidélisé une audience massive, habituée au « tout, tout de suite ». Mais cette immense popularité a fini par devenir son talon d’Achille. On ne reste pas le roi des pirates indéfiniment sans attirer l’attention de la Marine.

Les coulisses judiciaires : pourquoi ça a coincé cette fois ?

Si le site jouait au chat et à la souris depuis des années, changeant d’extension (.co, .lol, .se) comme de chemise, la justice a cette fois-ci sorti l’artillerie lourde. Le 23 juillet 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision historique, ordonnant le blocage pur et simple de la plateforme pour une durée de 18 mois.

Ce verdict n’est pas tombé du ciel. Il est le fruit d’une offensive coordonnée par le Syndicat national de l’édition (SNE), épaulé par une coalition inédite de neuf éditeurs majeurs :

  • Glénat
  • Pika
  • Kana
  • Kurokawa
  • Ki-oon
  • Delcourt
  • Panini
  • Casterman
  • Crunchyroll

Face à ce front uni, la justice a tranché en faveur de la protection du droit d’auteur. Concrètement, ce n’est pas le site lui-même qui a été « éteint » (les serveurs tournent souvent dans des pays juridiquement intouchables), mais son accès depuis la France qui a été coupé. Les principaux Fournisseurs d’Accès à Internet (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free) ont reçu l’injonction de bloquer la résolution DNS des noms de domaine liés à Japscan. En clair : la route est barrée.

Le marché du manga en crise : le vrai coupable ?

Pourquoi une telle agressivité des éditeurs maintenant ? Le timing n’est pas anodin. Après l’euphorie des années post-COVID où le manga battait tous les records, le marché connaît un retour de bâton sévère. Les chiffres sont là et ils font mal : -9,3 % de ventes en volume en 2024, venant s’ajouter à une baisse de 13 % l’année précédente.

Dans ce contexte de récession, le manque à gagner généré par le piratage devient insupportable pour l’industrie. L’argument souvent brandi par les fans (Je lis en scan pour découvrir, et j’achète si ça me plaît) ne convainc plus les ayants droit. Les études montrent qu’une large part de la consommation pirate se substitue purement et simplement à l’achat.

Il faut rappeler une vérité économique simple : quand vous lisez sur Japscan, l’argent généré par les (nombreuses) publicités va dans la poche des administrateurs du site. Zéro centime ne revient à l’auteur, au traducteur, au lettreur ou à l’éditeur. C’est toute une chaîne de valeur, déjà précaire, qui est fragilisée. Ce blocage est donc une mesure de survie pour tenter de ramener une partie de ces 700 000 lecteurs vers l’économie réelle du livre.

VPN, DNS… Le jeu du chat et de la souris

Bien sûr, nous sommes sur Internet. À peine le blocage annoncé, les tutoriels pour le contourner fleurissaient sur TikTok et Twitter. Changement de DNS (passer par ceux de Google ou Cloudflare), utilisation de VPN pour simuler une connexion depuis la Suisse ou la Belgique… Les solutions techniques existent.

Cependant, cette stratégie est de plus en plus risquée et pénible pour l’utilisateur :

  1. L’expérience utilisateur dégradée : les sites pirates sont devenus des arbres de Noël publicitaires. Pop-ups invasifs, redirections vers des sites de paris douteux ou de contenu pour adultes, scripts de minage de cryptomonnaie qui ralentissent votre PC… Lire un chapitre relève parfois du parcours du combattant.
  2. La réactivité de l’ARCOM : la loi a changé. Désormais, l’autorité de régulation (ARCOM) possède le pouvoir de faire actualiser la liste des sites bloqués sans repasser par la case tribunal. Dès qu’un « site miroir » (une copie de Japscan avec une nouvelle adresse) apparaît, il peut être blacklisté très rapidement.
  3. La sécurité : naviguer sur ces zones de non-droit expose vos appareils à des malwares. Est-ce que lire le dernier chapitre de My Hero Academia vaut vraiment le risque de compromettre ses données personnelles ?

Les meilleures alternatives à Japscan pour continuer à lire (et légalement !)

La bonne nouvelle dans cette histoire, c’est que l’offre légale n’a jamais été aussi riche, performante et abordable. Fini le temps où il fallait attendre 6 mois pour lire la suite de votre série. Voici les plateformes qui remplacent avantageusement le piratage, tout en soutenant vos auteurs préférés.

Manga Plus : le géant gratuit

C’est l’application indispensable. Créée par la Shueisha (l’éditeur japonais de One Piece, Naruto, Dragon Ball), Manga Plus propose le simulpub.

  • Le concept : les nouveaux chapitres sortent en même temps qu’au Japon, traduits officiellement en français (pour la plupart des gros titres).
  • Le prix : gratuit. Oui, gratuit. Le modèle est financé par la pub (discrète) et les premiers/derniers chapitres sont en accès libre.
  • Pourquoi on aime : pour la qualité de traduction officielle et le soutien direct aux auteurs japonais.

Mangas.io : le Netflix du manga

Si vous êtes un gros consommateur qui dévore des séries complètes, Mangas.io est fait pour vous.

  • Le concept : un abonnement mensuel (autour de 7€, le prix d’un seul tome) pour un accès illimité à un catalogue gigantesque.
  • Le catalogue : ils ont signé avec des éditeurs majeurs comme Kana, Ki-oon ou Kurokawa. Vous y trouverez des pépites comme Old Boy, Bakuman, ou des titres récents.
  • Pourquoi on aime : l’appli est super propre, sans pub, et le modèle par abonnement est ultra rentabilisé dès le deuxième tome lu.

Piccoma et Webtoon : L’autre façon de lire

Pour les amateurs de lecture verticale sur smartphone (le fameux webtoon), ces plateformes sont rois.

  • Le concept : un modèle souvent « Freemium » (les premiers épisodes gratuits, puis on attend ou on paie pour la suite).
  • Le catalogue : c’est là que vous trouverez Solo Leveling et toutes les adaptations de dramas coréens.
  • Pourquoi on aime : une ergonomie pensée à 100% pour le mobile.

Les offres numériques des éditeurs (Izneo, Crunchyroll)

N’oublions pas les classiques. Izneo reste la librairie numérique de référence pour acheter ses tomes à l’unité (souvent moins cher que le papier) ou via abonnement. De son côté, Crunchyroll inclut un catalogue manga dans son abonnement premium, idéal si vous payez déjà pour les animes.

L’avenir du Scantrad : est-ce la fin d’une ère ?

Alors, est-ce la mort définitive du scantrad ? Probablement pas. Tant qu’il y aura une demande, il y aura une offre illégale. D’autres sites, plus petits, moins référencés, tenteront de prendre la place du roi déchu.

Cependant, le vent tourne. La valeur ajoutée du piratage (la vitesse) s’effondre face au simulpub légal. À quoi bon aller sur un site bourré de virus pour lire une traduction approximative faite à la va-vite, quand la version officielle, propre et HD, est disponible gratuitement sur Manga Plus à la même heure ?

Le blocage de Japscan est un symbole. Il marque la fin de l’impunité totale et le début d’une ère où la lecture numérique se doit d’être responsable. C’est peut-être frustrant sur le moment, mais si cela permet à nos mangakas préférés de continuer à dessiner dans de bonnes conditions, n’est-ce pas un mal pour un bien ? Allez, on installe les applis légales et on reprend la lecture. Le prochain chapitre n’attend pas !

Konohate

Passionné par le Japon et la culture geek depuis le plus jeune âge, je partage mon univers.